jeudi 19 janvier 2012

Déménagement...

Bonsoir à tous,

Alors voilà, ça y est, au bout de 15 jours de vie, ce blog déménage et se retrouve sur http://transport.blogs.liberation.fr/rer/
Pour quelle raison, certains se demanderont. D'abord, parce qu'on me l'a proposé car il paraissait pouvoir trouver sa place sur cette plate forme qui regroupe des blogs tous différents dans leur contenu, mais avec quelque chose en commun: le quotidien.
Je vous laisse le soin d'y jeter un coup d'oeil  et vous découvrirez par exemple, la vie d'une jeune femme en fauteuil roulant, le quotidien d'un photographe ou la vie d'un joueur de poker...
Le contenu du mien restera inchangé. Je garde donc toute mon indépendance. (et je n'y gagne rien, sauf des lecteurs!)

À très vite!

mardi 17 janvier 2012

Le câble, le pied et la pierre...

"Une journée ordinaire" , pourrait-on dire.
Une journée qui commence par un vol de câble. A priori, à deux endroits différents. Vers Champs-sur-Marne et Torcy, il me semble.
Des cables servant à la signalisation des trains. Rien que ça. Les procédures, en cas de signaux défectueux, sont très clairs mais elles sont très longues à appliquer. Il est parfois indispensable d'obtenir une autorisation verbale de l'aiguilleur. Celle-ci doit être écrite sur un bulletin de conduite, 
répétée (collationnée) par le conducteur avant qu'elle soit validée par le chef de poste. 
Ensuite, le conducteur peut repartir sans dépasser les 30 km/h sur une distance variable. Si la zone défectueuse comporte plusieurs signaux, cette opération doit être répétée à chaque fois, pour chaque train.
Ce qui entraine rapidement une accumulation de retards ayant pour conséquence des stationnements en pleine voie, des suppressions de trains, du retard pour les voyageurs et pour les conducteurs et un travail énorme au niveau du poste de régulation ( à Vincennes) où plusieurs chefs de régulation et d'aiguilleurs gèrent toute la 
ligne A (zone RATP). Ce matin, ils ont été obligés de faire tourner des trains à Nation pour éviter de les accumuler en direction de Torcy. Dans ce cas, les voyageurs sont invités à descendre, le conducteur emmène le RER jusqu'au trottoir de manœuvre, change de cabine et repart dans l'autre direction. 
Le vol de câble est un phénomène qui devient très fréquent sur tous les réseaux ferrés et malheureusement, les responsables de ces délits sont loin de penser à toutes ces conséquences... 
Il faudra toute la fin de matinée pour remettre à peu près les choses en places. Un grand nombre de conducteurs finiront leur service en retard.

Lorsque je parlais d'une journée ordinaire, je pensais également à ce jeune homme qui, voyant les portes se fermer devant lui, décida de poser son pied, juste là, entre les portes. 
La scène se passe à Nation, vers 16H30, les trains commencent à arriver les uns derrière les autres.
Dans ce cas, plusieurs solutions s'offrent à moi, résister ou céder. Ce soir, c'est lui qui a gagné. Normalement, lorsque la sonnerie des portes retentit, plus personne ne doit monter ni descendre. Rien ne doit gêner la fermeture. Normalement. 
Mais ce soir j'ai relâché le bouton, la pression des portes a diminué, ce qui a facilité l'ouverture. Le jeune homme, dans un élan de générosité, a décidé d'attendre une jeune femme qui sortait du couloir. Et comme c'était son grand jour, il a aussi décidé d'attendre la personne qu'il ne voyait pas encore, puisqu'elle était encore dans l'escalator. N'ayant plus que mon micro pour intervenir, j'ai fait une petite annonce lui demandant de bien vouloir laisser les portes se fermer sans oublier le "s'il-vous-plaît". Parce que si vous êtes mal-aimable, ce genre de personne peut tirer un signal d'alarme, arrivé à bon port... Ça m'est arrivé récemment. 
(J'avais eu la mauvaise idée de décrire les vêtements de la personne au micro: " hép hép le monsieur avec le manteau rouge!!" pour que les voyageurs interviennent...en vain. Mon plan avait complètement foiré). 
Je suis donc reparti avec quelques minutes de retard dans la joie et la bonne humeur. 
En colère? Mais nonnnnn!!

Quant à la pierre...
C'est un collègue qui aurait pu se la prendre en pleine face, ce soir, vers 18H10. Il circulait entre Fontenay et Vincennes lorsqu'il a reçu des projectiles sur le toit de son train et sur son pare-brise, occasionnant quelques impacts. Je parle de "pierre" sans vraiment savoir de quoi il s'agissait. Toujours est-il qu'un groupe de personnes, installés sur un pont, un peu avant d'entrer sous tunnel, se sont mis à jeter des projectiles sur le train.
A cet endroit, les RER peuvent rouler à 90 km/h. Les conséquences auraient pu être très graves. 
Heureusement pour lui, il s'en sort bien.
Cependant, là encore, les trains ont dû passer sur cette zone à une vitesse réduite, en attendant l'intervention d'une équipe de GPSR, ce qui a rajouté un peu de retard, dans les deux sens.

Lorsqu'on parle "d'incidents entrainant des perturbations", on ne pense pas forcement à tout ce qui pourrait être évité si certains étaient moins bêtes. On pense plus à une panne ou à un problème de relève. On se demande pourquoi les conducteurs roulent si lentement...
Ce soir en rentrant chez moi, j'écoutais les gens commenter les freinages, les stationnements et les ralentissements. J'avais envie de leur expliquer mais... 
...je préfère l'écrire.





vendredi 13 janvier 2012

Du metro...au RER


La conduite des trains n'a jamais été un objectif dans ma vie. Plutôt une opportunité que j'ai saisi quand mon père, qui travaillait à la RATP, m'a soumit l'idée de faire un dossier de candidature pour conduire le métro.
 Lui était passé par "l'exploitation". Il avait, entre autres, été poinçonneur puis agent de station. Passant des examens internes, il était devenu dessinateur industriel. Il avait eu, plus tard, des responsabilités syndicales (les chiens ne font pas des chats)!
Toujours est-il que je ne connaissais vraiment pas ce milieu. Habitant Noisiel, je ne prenais pas trop le métro. J'ai donc postulé à un métier qui m'était complètement étranger.
Une fois recruté, après une batterie de tests en tout genre ( logique, psychomoteur, mémoire, médical), j'ai commencé la formation pour être conducteur de métro.
Celle-ci dure environ 3 mois. C'est très court, mais la quantité d'informations, de nouvelles abréviations, de procédures mémorisées, d'emplacement de robinets, commutateurs, règles à connaitre par coeur et autres textes......c'est énorme!
Car à la fin du stage, vous êtes prêt à partir en ligne avec un train de voyageur. Plus de simulations, d'exercice, de question...vous êtes seuls! Et ce fameux premier jour, vous avez tellement passé de temps à faire des avaries simulées que vous êtes certain qu'il va vous arriver quelquechose!! 
Et au bout de quelques temps, les gestes commencent à s'automatiser. La conduite est plus souple, on fait un peu plus attention à ce qui nous entoure. Les yeux ne sont plus rivés sur le pupitre de commande, à regarder si la pression est bonne, les voyants sont bien éteints. Les diverses sonneries ne font plus sursauter, on tombe doucement dans une petite routine...
Au début, j'étais "en réserve"sur la ligne 3 mais j' étais utilisé sur plusieurs lignes, essentiellement les lignes 2 et 6. Cette dernière est ma préférée de toutes, puisqu'elle sort de sous terre et passe dans des coins magnifiques. Le soir, j'avais l'impression d'être un touriste aux commandes du métro. Lorsque je passais le pont au dessus de la Seine, je contemplais cette vue magnifique.
Puis j'ai demandé à être " en roulement", afin d'organiser plus facilement mon emploi du temps. Je ne conduisais que sur la ligne 3, où tout se passe sous terre. Qu'il soit 5 heures ou 18h30, c'est la même lumière. 
Et au bout d'un moment, ça devient très répétitif. 
@Gentilchanoir
Mais le temps passe, on lève la tête et ça fait déjà 10 ans.    

10 ans après ma demande de mutation au RER, le service concerné m' appelle 
pour me dire: "c'est votre tour". Car à la RATP, le délai d'attente pour passer du métro au RER est d'environ 10 ans. Il est obligatoire de passer par le métro pour conduire le RER. A la SNCF, il en est autrement. Certains ont 19/20 ans.
J'étais donc très heureux de partir en formation et d'apprendre un nouveau fonctionnement. Avec une signalisation complètement différente. La conduite n'est, évidemment pas la même. (pour commencer, le RER roule à gauche alors que les métros roulent à droite). Et surtout, les trains sont 3 fois plus longs! (métro: environ 75m / RER: plus de 200m) et les voyageurs plus nombreux, donc, forcement beaucoup plus la pression!!
Il a fallut se replonger dans les textes, les procédures, les exercices théoriques, les mises en situation...pendant 3 mois. Encore une fois court mais...énorme! 
D'autant plus que ma formatrice n'avait qu'un objectif: que nous réussissions. Bien connue par tous les conducteurs, elle est très efficace! <-- la meilleure!

Et comme pour le métro, un jour, il faut se lancer et partir en ligne. 
J'ai choisi de faire un grand tour Nanterre / Chessy / Nanterre. Tout s'est très bien passé ce jour là. (Depuis, j'en ai vu des incidents!)
Ça fait maintenant 9 mois que j'ai mon permis et je reprends plaisir à conduire. 
J'apprécie les passages à l'extérieurs. Qu'ils fasse beau ou qu'il pleuve, je vois enfin la lumière du jour et ça, ça fait du bien!
Après, au métro comme au RER, notre mission est la même: vous transporter dans les meilleures conditions de sécurité. ( j'ai pas dit confort hein, vous noterez! ) 
L'augmentation du nombre de voyageurs ne tend pas vers ce dernier point (confort).

En tous cas, j'adore mon métier et rien que pour ça, j'ai envie de dire: "Merci Papa!!" 


mardi 10 janvier 2012

Black-Out

Depuis mon entrée à la RATP, en 2000, je n'avais jamais vu ça. Pourtant j'en ai vu des avaries au métro, avant de venir au RER. Des stationnements de plusieurs dizaines de minutes, c'est déjà arrivé, des évacuations sous tunnel également, des mouvements de foule aussi...

Mais ce soir, ça a été un festival! Une accumulation de malchance? Peut être un peu, mais pas seulement! Toujours est-il que des centaines de voyageurs ont été bloqués pendant des heures à bord de ce QBIK56  ( non, ce n'était pas une "prise d'otage" comme certains prétendent les jours de grève...) et des milliers l'ont été sur le reste de la ligne et dans les couloirs.

Il est un peu tôt pour détailler ce qui s'est passé exactement mais un petit rappel des faits vous permettra d'y voir plus clair et d'essayer de comprendre.

Tout à débuté un peu avant 18H au moment où je m'apprêtais à partir en ligne pour effectuer le dernier tour d'un collègue. J' étais donc, en réserve.
Encore dans les locaux, nous entendons à la radio: "Stationnement de QBIK56 entre La Défense et Etoile pour avarie matériel..."et là, nous nous sommes tous regardés, nous avons regardé l'heure, et nous nous sommes tous écriés: "Oh putain!"

Car lorsque vous cumulez:
- une avarie en inter-gare (c'est sombre, moins "pratique" et faut gérer les voyageurs...nous y reviendrons)
- que celle-ci est la plus grande du tronçon central, mesure 5 km de long ( le train est pile poil au milieu, ça tombe bien!)
- il est 18H (soit le début de l'heure de pointe, train rempli)
- le train est "dépréparé" ce qui veut dire qu'il n'a plus d'électricité. Donc les moteurs ne fonctionnent plus, l'éclairage non plus, les portes peuvent être libres (elles ne sont plus maintenues fermées, mécaniquement) et la sonorisation ne fonctionne pas...
...et bien vous êtes dans une très mauvaise situation! (d'ailleurs, Holywood est déjà en train de réfléchir à un remake dans le métro New-Yorkais... <--- on peut rigoler ou quoi??!!)


Donc c'est sûr, ça va être le bordel!
Je suis quand même descendu sur le quai pour récupérer le fameux DROP60 de mon collègue. Le Chef de Régul' m'a alors avisé que tous les trains avaient pour terminus La Défense. J'ai donc fait une annonce aux voyageurs qui commençaient à se poser des questions (moi aussi d'ailleurs!)
Là, un homme se rapproche et me demande quel est le problème sur le train. Je lui demande s'il est mécano, il ne me répond pas, peste et s'en va. (c'était juste pour détendre un peu l'atmosphère!)
Puis, au bout de 8 minutes environ, changement de programme: "Tu pars HLP (ndlr: sans voyageurs) jusqu'à Déf puis tu tournes ton train par Quai B..."
Bon...petit moment de solitude...Annonce avec petite voix pleine de tristesse pour les pauvres voyageurs...
Une petite dame vient me voir et me demande très gentiment si elle peut monter avec moi, "simplement jusqu'à La Défense!" dit-elle le sourire aux lèvres. Je lui répond: "un peu comme tout le monde, quoi!!"
Elle éclate de rire, moi aussi et je pars seul tourner mon train à la Défense.

Là-bas, je suis attendu. Car les voyageurs attendent depuis un bon moment un train (qui n'arrive pas) sur le quai afin de partir sur Cergy et Poissy. Je change de cabine. Je remonte le quai, enfin, j'essaye car les voyageurs me demandent "Quand? Quelle direction? Combien de temps?..."et je ne sais pas.
Je demande des précisions au Régulateur avec le talky, enfin j'essaye ( décidément!!). Car il ne me répond pas. Il gère l'incident, lui. Et personne ne me gère, moi!
En cabine, j'essaye à nouveau. Au bout d'un moment il me répond enfin!! Je m'empresse de faire une annonce expliquant que nous partons pour Nanterre mais qu'après, je ne sais pas si la SNCF va pouvoir le prendre. (j'ai appris par la suite qu'il s'agissait d'un des derniers à passer coté SNCF).
Arrivé à Nanterre Prefecture, je laisse le train au "Mécanicien SNCF" (SNCF=Mécaniciens, RATP=Conducteurs *ou Piiilote, avec l'accent Américain*)

Pendant ce temps, sur le QBIK56, le conducteur passe dans les voitures pour informer les voyageurs. Il constate rapidement la gravité de l'avarie à l'aide du livre de procédure et fait une "demande de secours". En gros, ca veut dire qu'il est impossible de faire repartir le train et qu'il va devoir être remorqué par un autre train... Très très rare, heureusement!
Mais là, certains voyageurs ne peuvent plus attendre (ça fait peut-être déjà une heure) et ouvrent les portes. Dès que les premiers mettent pied à terre, cela donne l'idée aux suivants. On appelle ça une "évacuation spontanée" ce qui est la pire des choses. Car maintenant, il n'est plus possible de faire circuler des trains sur l'autre voie. Trop dangereux.

Le conducteur, rejoint par une personne de l'encadrement doivent gérer l'évacuation de plusieurs centaines de voyageurs dont des personnes âgées, des enfants, une femme enceinte, .... et les canaliser. Des trains sont envoyés en marche lente pour venir chercher les voyageurs. Mais ceux-ci sont déjà pleins car ils stationnaient eux aussi, depuis le début, en inter-gare...

Comme vous pouvez l'imaginer, la situation est très critique.
Les messages annoncés en gare parlent de "Reprise du trafic à partir de 18H30..."ce qui n'arrange rien aux problèmes. Les voyageurs sont complètement perdus. Nous aussi.
Sur le site internet de la RATP, les voyageurs constatent que "le trafic est interrompu entre La Défense et Étoile". Il s'agit en fait, dans la vraie vie, sur le terrain, d'une zone bien plus grande...

A la Défense, les couloirs sont bondés, saturés, il faut plusieurs minutes pour avancer de quelques mètres.
Sur le reste de la ligne, les trains sont retenus pendants des dizaines de minutes, pour tenter de réguler ce qui reste comme train.
Chacun mettra au moins une heure, en plus sur son trajet personnel, si ce n'est deux.

Ce soir, je ne sais toujours pas comment ça s'est fini.
Mais une chose est sûre, on s'en souviendra de cette soirée.

Cédric, alias @Gentilchanoir



dimanche 8 janvier 2012

Accident grave de voyageur

Demandez à n'importe quel conducteur(trice), il s'agit là d'une vraie hantise. Je parle du suicide ou de la chute d'un voyageur sur les voies. Car dans une carrière de plus de 30 ans de conduite, rares sont ceux qui ont eu la chance d'y échapper.
Et ces accidents sont malheureusement très fréquents. Trop fréquents.

Lorsque je parle de "hantise", je ne veux pas dire que nous y pensons tous les jours, ça serait, bien évidemment, insupportable. Mais ça fait peur.

Peur, car le jour où ça arrive, on ne peut pratiquement rien faire. C'est soudain, furtif, juste le temps de comprendre ce qui se passe et très souvent, il est déjà trop tard, les distances de freinage sont tellement longues.

Et le traumatisme subi par le conducteur est énorme. Certains s'en remettent difficilement, d'autres remontent rapidement sur un train.

Il y a ceux qui ont eu la malchance d'en avoir presque une dizaine. D'autres, aucun.

Moi, j'ai eu de la chance, pour le moment. (je touche du bois)!

Cela dit, au métro, il y a quelques années, ça aurait pu mal tourner:

J'arrivais à la station Père-Lachaise, en direction de Gallieni (ligne 3). L'inter-station précédente comportait une "rampe", c'est à dire que la voie montait de plusieurs mètres de dénivelé.

Arrivé à l'entrée de la station, j'ai vu une femme se jeter sur les voies en plongeant littéralement. Elle se trouvait plutôt en "tête du quai", dans le premier tiers.
J'ai aussitôt effectué un freinage d'urgence, en activant les sablières (un dispositif mécanique dépose du sable entre la roue en fer et les rails, accentuant le freinage).

Puis j'ai demandé la coupure de courant, car au métro, le courant (750 volts) est capté par l'intermédiaire d'un rail de traction, situé au sol (en général entre les deux voies). Ce qui peut générer une deuxième source de danger.

Ces gestes sont des procédures d'urgences qui deviennent des réflexes.

À ce moment, rien d'autre à faire que d'attendre que le train s'arrête. Et lorsque vous êtes acteurs de la scène, celle-ci dure longtemps, très longtemps. Je l'ai vue au ralenti.

Une fois arrêté, je ne voyais plus la femme. Elle se trouvait quelque part sous l'avant du train...
J'ai alors serré le frein à main, fait une rapide annonce car le train n'était pas entièrement à quai, les portes étaient fermées.

Puis Je suis descendu sur le quai.
Là, j'ai tout de suite vu qu'elle n'avait pas été touchée. Le train s'était arrêté à environ 40 cm...
Les voyageurs à quai étaient tétanisés, immobiles, médusés. Un homme m'a proposé de l'aide. Je l'ai remercié mais je gérais les choses.
Je dirais maintenant que j'agissais par automatisme, les réflexes étant conditionnés, de par notre formation.


Je suis descendu voir la dame après avoir demandé les secours. Elle était silencieuse, immobile mais consciente.
Une fois évacuée, le courant remis, j'ai avancé le train jusqu' au point d'arrêt normal.

Puis j'ai compris...
Elle avait eu de la chance, moi aussi...
Et si...si....si....
On se refait la scène, 40cm plus loin ou dans une station en descente...

J'ai été accompagné par un agent de maîtrise jusqu'à Gallieni où j'ai été relevé de mon service pour me permettre de souffler.

J'ai fait alors un rapport d'incident.
On m'a proposé d'aller voir une cellule psychologique si je le souhaitais.

Je voulais juste une chose, rentrer chez moi et en parler à ma femme, pour évacuer ça...

Suite à mon repos qui suivait cette journée, je suis retourné travailler. On m'a proposé de m'accompagner en ligne pour un tour, ce que j'ai refusé.

Finalement, on m'a appris qu'il s'agissait bien d'une tentative de suicide. (cela étant, j'avais pas trop de doute sur ses intentions...)

Si nous n'avions pas eu cette chance (elle et moi) j'aurais eu le droit à souffler dans le ballon pour vérifier mon taux d'alcoolémie (qui doit être de zéro gr/l.) J'aurais été au commissariat pour faire une déposition.
Mais surtout, une femme serait morte sous mon train, MON train.

Je pense assez régulièrement à cette journée. J'ai l'impression de me rappeler de chaque instant.

Mais heureusement, la conduite d'un train ne se résume pas à ça. Il y a bien d'autres incidents moins dramatiques.

Mais lorsque j'arrive en gare,

-Je déteste les jeunes gens qui font semblant de sauter, pour amuser les copains.
-Je déteste les gens qui marchent sur la bande blanche en bordure de quai.
-Je déteste les quais bondés.
-Je déteste les gens alcoolisés sur un quai. (note pour plus tard, raconter le cas de l'homme de Nogent...)
-Je déteste les parents qui ne tiennent pas leurs enfants en bas âge par la main.

Mais j'aime mon métier, je vous rassure!!!

Faites simplement attention...

Cédric, alias @GentilChanoir



vendredi 6 janvier 2012

Mise en pratique..."Retenue"

Hier c'était la théorie, ce soir, mise en pratique...

Quand je vous disais hier que les incidents sont quotidiens, ça n'était pas une façon de parler!

Alors voilà, aujourd'hui j'étais en "réserve". Cela veut dire que je me tiens à disposition, pendant une période de 7h, de mon attachement, en l'occurrence Nanterre-Préfecture.

Je pars en ligne lorsqu'un conducteur titulaire (en roulement) est malade, en retard ou autres raisons. Je peux aussi déplacer des trains, les garer ou faire des manœuvres quelconques.

Lorsqu'il n'y a rien de tout ça à faire, je glande...(je lis, bois du café, discute, bois du café, mange, bois du café, tweet, fais du café...et regarde la télé ...en buvant...de l'eau, ça change!)

Et lorsqu'il y a assez de monde en réserve, je demande à mon chef de faire un tour à un collègue (qui terminera plus tôt, du coup).

Donc je suis parti en direction de Chessy sur QIKY44 (la lettre Q désigne toujours la destination, ici Marne la vallée-Chessy).
Tout s'est très très bien passé. J'ai profité du beau temps, regardé le soleil se coucher, lentement, c'était beauuuuuu...BREF!

Une fois arrivé à Chessy, je change de cabine (et oui, c'est mieux pour repartir dans l'autre sens...) et "plaque mon train" TIKY65 ( T=Poissy).

TIKY roule bien, il s'agit d'un MI2N (train à 2 étages) et l'ambiance à bord est plutôt cool, décontractée en cette fin de semaine.

Il est 17h15, nous sommes à Noisiel lorsque j'entends à la radio (que l'on nomme RTL <-- ceci n'est pas une blague) qu'un train stationne à la Défense pour un KSA (signal d'alarme). Je n'en connais pas la raison mais c'est pas bon...

(*j'ai su après coup qu'il s'agissait d'une personne tombée dans un train)


Le chef de Régulation nous précise alors que tous les trains sur Voie2 (direction St germain, Poissy et Cergy) sont "retenus en gare".

Cela signifie qu'une mention "Retenu" est affichée sur les télés en tête de quai et nous oblige à rester en gare.

C'est le chef de regul' qui gère ça.
Il l'utilise pour réguler les trains entre eux, pour éviter aux trains de stationner sous tunnel ou en inter-gare (ce qui est insupportable pour vous comme pour nous) et d'autres raisons plus obscures (quand ça lui chante)...

Finalement nous avançons normalement et j'arrive à Nation. Là, je suis retenu. Je fais donc une belle annonce avec la voix la plus agréable possible en précisant la raison de notre stationnement.

Toutes mes annonces commencent toujours par "Mesdames et Messieurs, votre attention SVP".
Il faudrait que je change, que je sois moins routinier dans mes annonces. (Note pour plus tard: je ferrai un post sur les annonces pour que vous me donniez des idées...)

Revenons à Nation (et à nos moutons, que je transpor...OUPSS J'ai rien dit!)
Et là, l'attente commence...
Continue...
Se poursuit...
2ème annonce...
...
Là, j'appelle le Chef de Reg' pour avoir des précisions sur la durée, la cause...
Il ne me répond pas.
J'essaye à nouveau...toujours rien.
Je tente avec le talkie walkie que nous appelons "PAP" (la RATP adoooore les abréviations!) rien non plus.

Me voici seul, à Nation avec un train rempli de voyageurs qui veulent rentrer chez eux et je suis "RETENU"!!

Je fais donc une 3ème annonce qui consiste à dire qu'on ne sait rien, pour un temps indéterminé et que personne ne veut me dire pourquoi!!

En somme, je meuble la faille spatio-temporelle tel Drucker anime le dimanche après-midi.

Et heureusement, vous, les voyageurs, vous restez calmes, sereins, sans vous énerver.
Au bout de 5 bonnes minutes, la "Retenue" s'efface. Je peux y aller!

Nous repartons donc dans la bonne humeur avec un retard cumulé d'au moins 10min.

Je tente à nouveau d'appeler le Chef de Reg' et là, ô surprise, il répond tout de suite!
Je me fais donc un plaisir en lui disant, sur un ton moqueur, que je pensais avoir une panne de mon "RTL" Et du "PAP"!!

Mais non, pour lui, tout va bien. À aucun moment il ne s'excusera de m'avoir oublié. Il a préféré ne pas me répondre...
Il ne voit pas les voyageurs lui. Il n'est pas confronté à tout ça.


Les problèmes de communication sur le réseau sont une plaie. Pourtant, il existe des solutions simples pour y remédier.

La RATP ne manque pas d'argent pour automatiser la ligne 1 du métro. (coût en milliard, Myyyyyard comme dirait l'autre...)

Mais pour developer des outils de communications dignes du 21 eme siècle, nous devons nous battre au quotidien. Et qui en fait les frais? Les voyageurs et les agents.
Vous et nous.
(We are together!!)

"Mesdames et Messieurs, merci de votre attention!"

Cédric alias @GentilChanoir

jeudi 5 janvier 2012

En raison d'un incident...

L'autre grand sujet de conversation abordé lorsque je parle de mon travail concerne l'ensemble des incidents. Car celui où celle qui n'a jamais été confronté à un colis suspect, une avarie au matériel ou autre problème de signalisation ne connaît pas la ligne A (les transports ferroviaires plus généralement!)
 Or il se trouve que les voyageurs ont tendance à mélanger les causes et la colère de certains dépasse souvent la raison.
 Car lorsqu'une banale valise est oubliée dans un train, elle est vite considérée comme "bagage abandonné" puis "colis suspect" et la procédure est claire: intervention de la police et souvent les démineurs sont dépêchés. Cela bloque la circulation des trains et le bazar commence. La période des fêtes est le moment "préféré" des voyageurs pour oublier valise, sac de course ou tout simplement son sac de faux-lingots!
En tête de la liste, il y a aussi le fameux "Voyageur malade". Terme  qui désigne tout et n'importe quoi. Malaise, chute dans le train, début d'accouchement, crise de tétanie...tout y passe.  En effet, lorsqu'on nous signale ce genre d'incident, nous n'avons pas 36 solutions, si la victime peut sortir du train, un agent des gare ou des voyageurs restent à ses côtés en attendant les pompiers (si elle accepte les secours) et le train peut partir. Sinon, c'est l'attente (et ça peut être long...!) Une fois évacuée, ça repart (avec ou sans Mars)...

Il est parfois difficile pour certains voyageurs de comprendre pourquoi nous (conducteur)  ne pouvons faire sortir un "malade". Il faut simplement savoir que nous ne sommes pas médecin et nous ne sommes pas en mesure de prendre ce genre de décision.
Au RER, dans certaines gares se trouvent des secouristes qui peuvent intervenir en attendant les secours mais ils ne sont pas nombreux. (Gare de Lyon, Châtelet...) *

 "Avarie au matériel" ou plus simplement Panne... Alors là, les voyageurs n'y sont pour rien et ça en met, du retard! C'est un peu notre "bête noire" car nous devons intervenir sur le train tout en faisant patienter les voyageurs tout en informant le "Chef de Régulation" tout en évitant de paniquer tout en croisant les doigts pour que ça reparte... (ça en fait du stress, je vous l'dit!)
 Nous avons dans ce cas un "Livre de procédure" que nous devons suivre à la lettre. L'important, c'est de ne pas se tromper de page et de ne pas sauter une ligne...(et connaître l'emplacement des boutons, commutateurs, robinets et autres boîtiers...!)
Lorsqu'il s'agit d'un problème de portes, le Chef de Regul' nous demande le plus souvent d'évacuer et de partir "Haut le pied" (à vide).  Les pannes de signalisation perturbent régulièrement le trafic. Il peut s'agir de problème liés au matériel ou du résultat d'un vol de câble comme cela arrive de plus en plus fréquemment.  Là, la procédure nous oblige le plus souvent à franchir ces zones non signalisées à une vitesse de 30 km/h et à marquer l'arrêt devant chaque signal. Cela provoque des "bouchons" et des trains sont souvent supprimés pour éviter ce phénomène.
 C'est un peu similaire au réseau routier lorsque des feux sont en dérangement sur un carrefour...c'est vite le bordel! Voilà une liste non exhaustives des incidents que nous rencontrons presque quotidiennement (vous êtes compris dans le "nous").

Qu'il soit "voyageur" ou "technique", l'incident a des répercutions sur l'ensemble de la ligne pendant plusieurs heures parfois. La ligne étant saturée, la sécurité des voyageurs est parfois négligée pour tenter de faire circuler les trains.
 Et les constructions immobilières dans l'Est Parisien vont bon train (<-- jeu de mot).
 * Les accidents graves de voyageur seront traités dans un autre billet...

 Quoi qu'il en soit, nous vous devons l'INFORMATION et là, y'a un réel problème. Un GROS problème même! Ça aussi, j'en reparlerai plus tard.

 "Mesdames et Messieurs, merci d'avoir patienté!"

 Ps: si vous avez des questions, des idées, n'hésitez pas!

 @GentilChanoir